Les chefs d’État ouest-africains sont attendus ce jeudi 10 août pour un sommet extraordinaire de la Cédéao. Un seul sujet sera à l’ordre du jour : la situation au Niger. Les dirigeants vont devoir faire le choix, dix jours après le coup d’État, entre le dialogue ou l’opération militaire.
Les chefs d’État ouest-africains vont-ils annoncer une opération militaire ? Ou bien dévoiler des avancées significatives dans leurs prises de contact avec la junte nigérienne ? La perspective d’une opération militaire semble bel et bien s’éloigner, mais les militaires postés à Niamey affichent toujours une attitude intraitable.
Quoi qu’il en soit, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) vit un moment crucial alors que ses tentatives répétées pour esquisser une sortie de crise ont semblé bien vaines jusque-là. L’existence même de la Cédéao est en jeu, selon le président de Guinée-Bissau.
La situation est difficile pour l’organisation, car la pression monte clairement entre la Cédéao et les putschistes depuis le coup d’État qui a renversé le président nigérien Mohamed Bazoum.
« Aucune option n’a été écartée »
Aux sanctions économiques, les militaires au pouvoir à Niamey ont opposé leur refus d’établir un dialogue. Une première délégation nigériane a dû faire demi-tour la semaine dernière, puis c’est une mission conjointe de la Cédéao, de l’Union africaine et de l’ONU qui a été éconduite lundi soir.
Pourtant, les liens ne semblent pas totalement rompus. Ce mercredi, l’ancien émir de Kano et ex-gouverneur de la Banque centrale nigériane, le très respecté Lamido Sanusi, a finalement pu rencontrer le général Abdourahamane Tiani à Niamey. « Je suis venu en espérant que ma visite puisse ouvrir la voie au dialogue. J’ai eu des échanges francs et constructifs avec le général Tiani et je retourne rencontrer le président nigérian pour lui faire le compte rendu », a déclaré Lamido Sanusi, qui a précisé ne pas être un émissaire du gouvernement de son pays.
Le sommet s’ouvrira et se fermera avec une prise de parole du président nigérian Bola Ahmed Tinubu, l’actuel patron de la Cédéao, dont l’avenir est plus que jamais sur la sellette. L’homme d’État a réaffirmé que le dialogue restait la « meilleure voie à suivre » mais « aucune option n’a été écartée », précise son porte-parole.
Une ambiguïté partagée par la délégation ivoirienne menée par Alassane Ouattara accompagné par son directeur de cabinet, Fidèle Sarassoro, et la secrétaire générale adjointe de la présidence, Masséré Touré. Les ministres des Affaires étrangères et des Finances ainsi que le chef d’état-major des armées seront aussi présents. Et selon une source proche du gouvernement, la position de la Côte d’Ivoire devrait rester ferme pour resserrer l’étau sur la junte nigérienne.
Mais pour le moment, la Côte d’Ivoire entend jouer la pondération afin de mobiliser l’opinion internationale pour l’étape suivante, qui pourrait être militaire. L’objectif principal étant de faire des putschistes au Niger un exemple pour la sous-région, explique notre source, même si le rôle de la Côte d’Ivoire dans une éventuelle intervention armée de la Cédéao n’a pas encore été précisé par les autorités.
Appels au dialogue
Et plus le sommet se rapproche, plus les voix se font entendre contre une opération militaire qui déstabiliserait fortement la région. Par exemple, dans une lettre adressée à Bola Tinubu, plusieurs anciens Premiers ministres et présidents de l’Assemblée nationale du Niger ont appelé au dialogue avec les putschistes.
Ils se disent « préoccupés » par l’avenir du Niger. L’ex-président Ousmane, les anciens premiers ministres Rafini, Oumarou ou encore Amadou dénoncent la « menace d’intervention militaire » de la Cédéao. « Nous vous demandons d’user des voies diplomatiques et politiques pour trouver avec l’armée des solutions pacifiques et constructives. » Au total, ils sont quatorze anciens dirigeants nigériens à avoir signé ce courrier adressé à Bola Tinubu demandant également « la levée de toutes les sanctions » de la Cédéao. « Elles sont, de notre point de vue, insupportables, inefficaces et inappropriées et auront des conséquences catastrophiques et inimaginables », concluent-ils.
« Il n’y a que quand il n’y a pas de dialogue qu’on ne trouve pas de solution. Les militaires qui ont pris le pouvoir savent qu’ils jouent leur vie et leur survie. Ceux qui ont perdu le pouvoir savent qu’ils sont dans une situation difficile. Il faudrait que chacun mette un peu d’eau dans son vin et le compromis pourra être trouvé », a réagi de son côté Ablasse Ouedraogo, ancien ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso et ancien médiateur dans la crise touarègue de 1994 au Niger.
Les appels au dialogue émanent aussi du pays. Devant les échecs répétés de la diplomatie, Diallo Cheikh Louindou, secrétaire général du MCDDH, appelle les putschistes à s’asseoir à la table des négociations. Il craint que le comportement du putschiste Tiani ne pousse les dirigeants ouest-africains à opter pour l’intervention militaire.