Le calvaire des habitants de Moura se poursuit. Fin mars, une vaste opération antiterroriste était menée dans ce village proche de Djenné, dans le centre du Mali, par l’armée malienne. Bilan officiel : 203 terroristes tués, 51 interpelés.
Mais de nombreux témoignages font état d’exécutions massives de civils et de jihadistes désarmés, par les soldats maliens et les combattants russes qui les appuient. La justice militaire malienne a annoncé l’ouverture d’une enquête. La Minusma voudrait aussi se rendre sur place, mais les autorités maliennes de transition ne le permettent pas. En attendant, ce sont les jihadistes de la katiba Macina qui sont retournés à Moura, pour des expéditions punitives.
Les jihadistes sont revenus plusieurs fois à Moura. Juste après la fin de l’opération militaire, et ces tout derniers jours encore, après la visite d’une délégation ministérielle dans le village le week-end dernier. Visite dont les images, mettant en scène certains habitants posant aux côtés des militaires, ont été largement diffusées.
Selon de nombreuses sources locales, humanitaires et sécuritaires, au moins deux villageois de Moura auraient été enlevés depuis, accusés par les jihadistes de la katiba Macina d’avoir aidé ou soutenu les militaires maliens. Le sort qui pourrait leur être réservé suscite évidemment beaucoup d’inquiétudes.
La Mission des Nations unies dans le pays enquête sur ces derniers événements, comme elle enquête sur les nombreuses accusations d’exactions portées contre l’armée malienne et ses supplétifs russes, lors de l’opération menée fin mars dans le village. Mais le déplacement à Moura d’enquêteurs onusiens semble pour le moins compromis. « Les équipes prépositionnées à Mopti sont reparties, explique une source onusienne. Il y avait une dizaine d’enquêteurs, quatre hélicos et beaucoup de militaires pour les sécuriser », précise cette source, qui précise : « les autorités maliennes ne nous disent pas non, mais elles ne répondent pas. On n’allait pas faire attendre les équipes indéfiniment. »
Officiellement, les demandes d’autorisation sont donc toujours à l’examen. « C’est leur stratégie, analyse un cadre onusien, nous empêcher d’y aller pour contester le rapport. Mais on peut aussi travailler à distance », précise cette source, qui explique que les auditions de témoins et le travail de recoupement ont commencé depuis longtemps. La justice militaire malienne, qui mène sa propre enquête, a promis d’en rendre les conclusions publiques.
Avec Rfi