Pour tous les observateurs attentifs, la nomination de M. Mamadou Badio CAMARA, en qualité de Président du Conseil Constitutionnel était parfaitement prévisible. Pour autant, cette nomination est une très mauvaise nouvelle pour l’état de droit au Sénégal. En effet, depuis 2014, le magistrat Badio CAMARA s’est particulièrement illustré par ses basses œuvres.
Dans l’affaire Karim WADE, Badio CAMARA avait introduit une requête en rabat d’arrêt, pour « neutraliser » l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour suprême en date du 06 février 2014, qui déclarait recevable, le recours de Karim Wade contre l’ordonnance de la commission d’instruction de la Cour de Répression de l’enrichissement illicite du 17 Mars 2013. L’arrêt du 06 février 2014 a été qualifié de jurisprudence révolutionnaire et salué unanimement par tous les partisans des droits de l’homme, non pas parce qu’il disculpait Karim WADE, mais par le fait qu’il consacrait les droits de la défense, plus précisément le droit au recours pour un justiciable. A l’époque, Maître Assane Dioma N’DIAYE se félicitait d’une jurisprudence révolutionnaire en matière de protection des droits fondamentaux au Sénégal, précisant qu’avec l’arrêt du 06 février 2014 « le juge suprême sénégalais rappelait au législateur qu’il pouvait adopter des règles de procédure différentes mais ne saurait en aucun cas porter atteinte aux droits fondamentaux garantis aux citoyens par la Constitution et les Conventions Internationales ratifiées ». Si l’affaire Karim WADE a atterri au Comité des droits de l’homme des Nations Unies et conduit à la condamnation de l’Etat du Sénégal, c’est parce qu’on lui a dénié toute possibilité de recours au niveau des juridictions internes.
Badio CAMARA porte une énorme responsabilité dans le fait que le Sénégal ait été vilipendé condamné par le comité onusien qui concluait que le droit à un procès équitable de Karim Wade, condamné en 2015, pour enrichissement illicite a été v**lé. Afin de le récompenser pour services rendus à Macky Sall, le Conseil de ministres a adopté le 02 novembre 2016, un projet de loi organique, portant statut des magistrats qui introduit une discrimination inédite (rupture d’égalité entre les membres d’un corps) en son article 65, puisqu’il proposait de relever l’âge de la retraite pour une catégorie « ciblée » de magistrats. Tous les acteurs ont soutenu que la réforme relevant l’âge de la retraite de certains magistrats de 65 ans à 68 ans, a été taillée sur mesure pour le « 1er Président de la Cour suprême », à tel point que la loi a été dénommée « loi Badio Camara ». A l’époque, Badio Camara a été mis en minorité dans sa propre juridiction (25 magistrats sur les 30 qui composent la Cour suprême s’étaient élevés contre le projet de loi organique de la Cour suprême).
C’est le même Badio CAMARA (un magistrat dont le zèle dépasse l’entendement) qui s’est comporté comme un valet pour satisfaire les désirs du Prince Macky SALL, dans l’affaire Khalifa SALL, ouvrant la voie à son élimination des élections présidentielles de 2019.
Badio Camara n’est pas uniquement un magistrat soumis ; c’est aussi un magistrat délinquant. En 2015, les crédits alloués à la Cour suprême au titre du budget de fonctionnement s’élevaient exactement à 1 milliard 677 millions, et 77 mille 620 francs CFA. Dès lors, le 1er Président de la Cour suprême devait s’acquitter de son obligation de déclaration de patrimoine conformément à l’article 2 de la loi sur la déclaration de patrimoine qui dispose que « tous les administrateurs de crédits, les ordonnateurs de recettes et de dépenses et les comptables publics effectuant des opérations portant sur un total annuel supérieur ou égal à 1 milliard de francs CFA ». Badio Camara, a refusé de se conformer à la loi et faire la déclaration de patrimoine à laquelle il est assujetti, sollicitant l’intervention de Macky SALL qui a demandé à la Présidente de l’OFNAC, Mme Nafi N’GOM KEITA de le laisser tranquille (une honte pour un magistrat de sa trempe de s’abaisser à un tel niveau).
Il ne faut se faire aucune illusion : Badio CAMARA n’est ni un homme intègre, ni un magistrat au service du droit. C’est un individu uniquement préoccupé par la gestion de ses avantages matériels et financiers. Sa nomination à la tête du Conseil Constitutionnel a fini de discréditer cette institution judiciaire totalement inutile, dont la dissolution apporterait le plus grand bien pour le peuple sénégalais.
Les intentions de Macky SALL sont claires comme l’eau de roche. Pas à pas, et de manière méthodique, il place ses pions et anticipe ses forfaits.
Seule une 2ème vague extrêmement puissante est de nature à le contraindre à renoncer à son funeste projet.