L’un se nomme Souleymane Mané. Il est bissau-guinéen. L’autre est désigné par ses initiales, O. T. Il souhaite garder l’anonymat.
Le duo figure parmi les rescapés du chavirement de la pirogue de migrants, dimanche dernier au large de Kafountine. Dans les colonnes de Libération de ce jeudi, il a raconté par le menu les circonstances de l’accident. D’après les témoignages de ces rescapés, la pirogue transportait 140 passagers, qui se rendaient en Espagne. Chacun a remis 400 000 francs CFA à un certain Diallo, qui serait l’organisateur du voyage. Ce dernier réside à Kafountine, point d’embarquement des candidats à l’immigration clandestine.
O. T est originaire de Kaffrine, mais il est parti de Touba pour rejoindre Kafountine. C’est sa troisième tentative pour se rendre en Europe par pirogue. Il confie que leur embarcation était surchargée. «Nous étions plus d’une centaine de migrants à bord de la pirogue», précise-t-il. C’est un migrant qui a déclenché l’incendie. O. T révèle qu’en tirant sur sa cigarette, il a provoqué des étincelles qui ont atteint les nombreux bidons d’essence disposés dans la pirogue. «Quand le feu s’est déclenché, rembobine Souleymane Mané, c’était la débandade et la pirogue a fini par se renverser.»D’après les deux rescapés, beaucoup de victimes ont péri parce qu’elles ne savaient pas nager.
«Dans l’eau, je me suis accroché à un bout de la pirogue avec mon pied gauche qui était complètement brûlé, raconte O. T. Je ne sentais pas ma blessure, je ne pensais qu’à sauver ma peau. Et c’est là qu’un jeune homme m’a trouvé avant de m’envelopper et de me serrer fortement. Ne pouvant plus le supporter, j’ai plongé au fond de l’eau et il m’a lâché. Je l’ai vu mourir. (…) Je vous jure que les morts sont nombreux.»
«C’était l’horreur», résume Souleymane Mané, qui vit au Sénégal depuis dix ans et assure avoir mis toutes ses économies dans ce voyage. Ce Bissau-Guinéen jure qu’il ne tentera plus le voyage en Europe en pirogue. Son seul objectif en ce moment, c’est de «rentrer tranquillement en Guinée-Bissau».
Quatre-vingt-dix passagers ont survécu à l’accident. Une quinzaine de corps sans vie ont été repêchés et plus d’une trentaine de migrants sont portées disparues.