Dans un rapport publié mardi, Human Rights Watch affirme que des soldats maliens associés à des mercenaires étrangers ont exécuté sommairement 300 civils fin mars dans une localité du centre du Mali. Ces faits sont « le pire épisode d’atrocités » commises depuis le déchaînement des violences dans le pays en 2012, dit l’ONG.
Dans un rapport publié mardi 5 avril, l’ONG décrit un massacre perpétré sur plusieurs jours entre le 27 et le 31 mars dans la localité de Moura, entre Mopti et Djenné, dans une région qui est l’un des principaux foyers des violences sahéliennes.
Ces faits sont « le pire épisode d’atrocités » commises depuis le déchaînement des violences au Mali en 2012, dit l’organisation, qui cite 27 personnes informées des événements, dont 19 survivants et témoins.
Des « spéculations diffamatoires », selon la junte
Aucune réaction à ce rapport n’a été obtenue dans un premier temps des autorités dominées par les militaires qui ont pris le pouvoir par la force en 2020.
Alors que les messages se multipliaient sur les réseaux sociaux, celles-ci ont donné vendredi une tout autre version des événements de Moura, parlant d’opération qui avait permis d’abattre 203 membres de « groupes armés terroristes » et d’en arrêter 51 autres. Elles se sont inscrites en faux contre des « spéculations diffamatoires ».
Mais la Mission de l’ONU au Mali, les États-Unis, l’Union européenne et la France ont exprimé leur préoccupation devant les informations remontant de Moura.
« Le gouvernement malien doit de façon urgente et impartiale ouvrir une enquête sur ces meurtres de masse, y compris sur le rôle de soldats étrangers », dit Corinne Dufka, directrice pour le Sahel à HRW. Pour la crédibilité de ces investigations, les autorités doivent se faire assister de l’Union africaine et des Nations unies, souligne-t-elle.
Les événements de Moura ont commencé le 27 mars par l’arrivée en hélicoptères de soldats en pleine foire aux bestiaux, dit HRW. Les soldats auraient alors échangé des tirs avec une trentaine d’islamistes armés qui se trouvaient dans la foule ; plusieurs islamistes, quelques civils et deux soldats étrangers auraient été tués.
Moura est décrite comme une localité passée, comme beaucoup d’autres au Mali, sous la coupe de groupes affiliés à Al-Qaïda.
Avec des renforts transportés par hélicoptères, les soldats maliens et étrangers ont pris le contrôle de Moura, relatent les témoins cités par HRW.
Les étrangers sont assimilés à des Russes parce qu’ils ne parlent pas français et qu’il a beaucoup été question dans les médias, y compris de la part des autorités, de l’arrivée de soldats russes ces derniers mois pour aider à combattre les jihadistes.
Fosses communes et corps brûlés
Les soldats auraient ratissé la localité, « exécutant » un certain nombre de personnes et en capturant des centaines d’autres. Les jours suivants, ils auraient exécuté par balles et par petits groupes des dizaines de captifs, peut-être en fonction de leur tenue vestimentaire ou parce qu’ils portaient la barbe suivant des règles édictées par les jihadistes, ou en raison de leur appartenance ethnique.
Selon HRW, « la grande majorité » des hommes exécutés étaient peuls, un groupe dans lequel les jihadistes ont largement recruté.
« Tuer délibérément ou maltraiter un individu en détention est un crime de guerre », rappelle l’ONG.
Des civils ont été forcés de creuser des fosses communes avant d’être exécutés et certaines dépouilles ont été brûlées au point d’être méconnaissables, conclut HRW.