Ayib Daffé ressort encore bredouille des locaux de la Direction Générale des Élections (DGE). Ceux qui s’attendaient à voir Tanor Thiendella Sidy Fall (directeur général des élections) revenir à de meilleurs sentiments, après avoir enfin accepté d’accueillir le mandataire de Ousmane Sonko, ont vu leur espoir froidement douché. À sa sortie, le député de Pastef crache du feu. « C’est du dilatoire, du banditisme administratif. Un refus d’exécuter les décisions de justice. Une rébellion. La DGE est en train de poser des actes très graves de défiance et de refus d’exécution des décisions de justice. Ce qui constitue un crime contre la Constitution », tempête-t-il.
Depuis le 29 septembre 2023, la DGE -à sa tête Tanor Thiendella Fall- est dans un extrême bras de fer avec la coalition « Sonko 2024 » à laquelle elle refuse de délivrer les fiches de parrainage prétextant, dans un premier temps, qu’Ousmane Sonko ne figure plus sur les listes électorales. Ce que semble oublier volontairement la DGE est que, frappés d’une condamnation définitive de plus de cinq ans de prison ferme, déchus de leur éligibilité et retirés des listes électorales, elle avait pourtant délivré à Khalifa Sall et Karim Wade leurs fiches de parrainages en 2019. D’ailleurs, c’est le conseil constitutionnel qui avait statué en dernier ressort sur la recevabilité de la candidature de Wade-fils et du maire déchu de Dakar.
Qu’est-ce qui a changé entre-temps dans cette administration ? Rien ! Le directeur des élections reste bien évidemment le même : Tanor Thiendella Fall qui s’apprête à organiser sa 3e élection présidentielle depuis 2012. Ce qui a peut-être changé c’est le nom et le profil de l’opposant en face : Ousmane Sonko. Celui qui s’était montré assez ‘’indulgent’’ pour donner aux deux « K » -pourtant sous le coup d’une condamnation définitive- tous les supports nécessaires à la collecte de leurs parrainages, oppose un cinglant niet à un candidat encore en course du point de vue légal : Sonko. Et ceci, quitte à torpiller la loi et le droit en refusant d’exécuter la décision du tribunal d’instance de Ziguinchor ou à s’étriper avec la Commission électorale nationale autonome (CENA).
Flagrant délit de parti pris
Taiseux et couturé d’une attitude effacée, le directeur général des élections dévoile une autre facette de sa personnalité, marquée par un caractère assez belliqueux et bien trempé comme on a pu s’en apercevoir dans ces dernières communications épistolaires. Le 20 octobre dernier, par un argumentaire qui ne tient aucunement la route, selon beaucoup d’experts électoraux, Thiendella se braque et chiffonne la décision du juge Sabassy Faye. Selon lui, celle-ci n’est pas « définitive » en ce sens que « l’État du Sénégal ayant décidé d’exercer les voies de recours qui s’offrent à lui ». Un argumentaire douteux puisque l’État qui n’avait pas encore saisi la Cour Suprême au moment où il écrivait ces lignes, aurait bien pu renoncer à déposer sa requête.
Enjoint par la CENA de rétablir Ousmane Sonko dans son droit de figurer sur les listes électorales et d’aller collecter ses parrainages, Thiendella Fall se cramponne encore sans jamais lâcher prise. « Je tiens à souligner que la DGE n’a pas de compétence pour mener une quelconque action sur le fichier électoral », avance-t-il s’agrippant cette fois sur la branche frêle de la décision de la chambre administrative de la Cour suprême du 6 octobre 2023. Pour lui les choses sont claires : aucune action en faveur de Sonko ne sera effectuée sans une décision définitive venant de la Cour Suprême.
Une situation regrettable qui est en passe d’écorner deux décennies de carrière à la direction des opérations électorales. Ce Contrôleur Général de la police nationale, ancien commissaire de la Brigade des affaires criminelles (Bac), est, en effet, impliqué depuis 2002 dans l’organisation matérielle des différentes élections. Il a géré les aspects organisationnels des élections présidentielle, législatives et sénatoriales de 2007 et les élections locales de 2009 avant d’être promu directeur général des élections après quelques mois d’intérim suite à la nomination de Cheikh Guèye (son prédécesseur) comme ministre des Élections en 2012.
Membre du Conseil consultatif de l’Association des autorités électorales africaines, Tanor Thiendella Sidy Fall a effectué des missions comme expert pour le compte de l’International Institute for Democracy and Electoral Assistance (IDEA), de l’International Foundation for Electoral Systems (IFES) et de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Sur le plan académique, il est titulaire d’une maîtrise en droit, d’un diplôme d’études supérieurs spécialisés (DESS, Diplôme interuniversitaire Paris – Nantes), d’un diplôme d’études approfondies (DEA) en Sciences politiques et d’un diplôme en administration électorale. Il a également un certificat en gestion des crises (Louisiane State University). Le président du réseau des compétences électorales francophone (Rcef) élu en 2022, organise depuis 2012 le jeu électoral sénégalais.