En Guinée Conakry, le procès du massacre du 28 septembre est actuellement au coeur des débats. Et parmi les accusés, Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba (ex aide de camp de Dadis Camara) suscite l’attraction. Ex capitaine de la gendarmerie, Seydina Oumar Touré a publié une tribune sur le procès dans lequel il livre son décryptage. Ci-dessous son texte fort intéressant.
«Depuis quelque semaines en République de Guinée Conakry se tient le procès dit des évènements du 28 septembre 2009.
Les différentes parties prenantes et les auteurs présumés des actes commis il ya un peu plus d’une décennie ont été attraits à la barre.
Mais l’un des aspects les plus marquants de cette affaire, c’est le courage infaillible et la confiance que dégage le commandant Toumba DIAKITÉ. J’ignore s’il est coupable ou pas, et le cas échéant le droit devrait être dit et bien dit. Mais il a compris que pour le militaire, ce qui compte vraiment, ce n’est pas de prouver son innocence à tout prix, mais de garder son honneur, sa dignité, de ne jamais baisser la tête et d’assumer sa responsabilité entière, en toute circonstance et en tout lieu.
Pendant ce temps Marcel GUILOVOGUI tremble à la barre et le jadis tonitruant Président Dadis CAMARA demande la permission à un Tribunal civil s’il peut porter ses lunettes.
Bien qu’étant de contextes historiques différents, la posture d’un militaire devant un tribunal doit s’inspirer de celle du général Bonaparte à l’époque, accusé à tort par un député.
Le 6 août 1794, Napoléon Bonaparte alors général assurant le commandement de l’artillerie de l’armée d’Italie, est suspendu de ses fonctions et arrêté ; il est inculpé et enfermé au Fort-Carré d’Antibes. (ou dans une maison voisine).
Son aide de camp le lieutenant de Cavalerie, Jean-Andoche JUNOT lui proposa son aide et le général, de la prison, lui écrit la lettre qui suit.
«Antibes, du 25 thermidor au 2 fructidor an II (12 au 19 août 1794).
A JUNOT,
LIEUTENANT DE CAVALERIE, AIDE DE CAMP DU GÉNÉRAL BUONAPARTE.
Je reconnais bien ton amitié, mon cher Junot, dans la proposition que tu me fais ; depuis longtemps tu connais aussi celle que je t’ai vouée, et j’espère que tu y comptes.
Les hommes peuvent être injustes envers moi, mon cher Junot, mais il suffit d’être innocent ; ma conscience est le tribunal où j’évoque ma conduite.
Cette conscience est calme, quand je l’interroge ; ne fais donc rien, tu me compromettrais.
Adieu, mon cher Junot, salut et amitié.
Buonaparte. »
Voilà ce qu’il a répondu à la proposition d’une évasion de prison assistée par Junot, pourtant possible.
Devenir militaire est un choix noble, un don de sa personne, de son être à la patrie, ce qui compte c’est d’avoir le sentiment du devoir accompli dans le respect de la loi et non un verdict d’un tribunal autre que celui de la conscience militaire
En dehors de la posture des militaire guinéens devant ce tribunal, ce procès a démontré la pertinence d’instaurer un tribunal militaire pour se pencher sur les infractions commises par des militaires.
Plusieurs internautes ont souligné l’impertinence des avocats mais il faut comprendre que la question militaire n’est pas à la portée de tout juriste fût-il un avocat.
L’armée reste encore un mythe en Afrique et les textes sur l’armée demeurent assez méconnus en dehors du microcosme militaire. J’ignore ce que prévoit le droit militaire guinéen mais en l’espèce, pour atteindre son but, le tribunal est forcément tenu d’invoquer les infractions militaires qui sont connexes, dans le cas présent , aux infractions de droit commun.
Les mis en cause dans cette affaire, devraient être assistés par des défenseurs militaires qui maitrisent parfaitement la question, en plus des avocats inscrits au barreau.
Les faits sont certes graves, mais le respect des règles de procédure n’en est pas moins obligatoire. Ils vont hélas être jugés par des personnes qui ne comprennent pas la différence entre progresser ensemble et être ensemble au même lieu, une grande différence existe du point de vue militaire.»